Jérôme PARESYS-BARBIER est président de la section D de l’Ordre National des pharmaciens.
Sur le Mad et la pluridisciplinarité: cette notion finalement simple commence à modifier en profondeur les habitudes de travail des différents acteurs de la santé en ville. Comment s’organiser pour mutualiser les compétences de chacun ?
1- En pratique, comment envisager une réelle prise en main d’un service de MAD par les pharmaciens de ville ?
JPB : je souhaite tout d’abord rappeler que la majorité des pharmacies offre déjà un service de qualité, en matière de MAD mais aussi de service à la personne ou de iatrogénie médicamenteuse. Le problème est que ce service reste trop souvent discret, notamment parce qu’il n’est pas soumis à prise en charge. Il faut que cela change, et pour cela, nous devons montrer ce que nous savons faire. Disons-le aux autres professionnels de santé ! Exposons le dans nos vitrines ! Patients et confrères peuvent compter sur nos compétences. Oui, nous pouvons fournir de l’oxygène au domicile du patient ! Oui, nous sommes capables de délivrer un matelas anti-escarre ! Pour cela d’ailleurs, le MAD est un bon exemple de collaboration entre les différents acteurs.
2- Le dialogue entre les différents acteurs de santé en ville est encore frileux… à la différence de l’hôpital, où, par exemple, des consultations pluridisciplinaires sont mises en place autour des patients ?
JPB : Je suis pourtant convaincu que c’est par le dialogue que nous changerons les choses. Ce dialogue commence au sein même de notre profession. Oublions un instant la logique commerciale dans laquelle nous sommes, et parlons-nous entre confrères. Les temps sont durs, on ne peut pas le nier. Nous devons optimiser notre savoir-faire, et surtout sortir de l’isolement auquel est confrontée la pharmacie ville.
3- Concrètement ?…
…Concrètement ?
JPB : il y a des choses simples et peu coûteuses à mettre en place. Le simple fait d’avoir, au sein d’une officine, un membre du personnel dédié à la prise en charge et au suivi des patients chroniques ou spécifiques permettraient de créer une base de réseau avec les autres professionnels. La création de mini-réseaux permettrait une consultation de chaque professionnel et des échanges au sujet des patients les plus lourds. Cela doit se faire bien entendu dans un cadre légal, le réseau étant rattaché à une structure hospitalière ou à un projet soutenu par les URCAM. Pour favoriser le dialogue avec l’hôpital, une hospitalisation, sans être nécessairement liée à une pathologie grave, pourrait être l’occasion d’échanger avec nos confrères hospitaliers, de leur fournir les spécificités médicamenteuses des patients. Aujourd’hui, il n’y a pas de liens fabriqués, mais le dossier pharmaceutique pourrait faire son entrée à l’hôpital le plus vite possible pour améliorer les échanges. Je sais d’autre part que des initiatives sont déjà en place pour favoriser les échanges entre la ville et l’hôpital, entre le pharmacien et le médecin. Ce sont ces réalités de terrain qui font avancer les choses et je les encourage. Dans un même temps, à l’Ordre, nous travaillons à mutualiser les réflexions intersections et inter-Ordres, dans le cadre des bonnes pratiques ou d’application de textes européens. Enfin, un groupe de travail a été créé au sein du ministère pour définir ce que devraient être demain les nouvelles missions du pharmacien d’officine, notamment l’interopérabilité entre la ville et l’hôpital.
4- Vous voulez parler du pharmacien référent ?
JPB: Cela fait partie de la réflexion en effet. Demain, cette notion de pharmacien-référent pourrait être une mission de demain. Des pharmaciens hospitaliers souhaiteraient déjà devenir des pharmaciens hospitaliers référents pour un groupe de commune.
5- Dans le domaine du MAD, les prestataires de service sont très présents. Quelles peuvent être les relations entre eux et les pharmaciens ?
JPB : le dialogue, toujours le dialogue. Les pharmaciens d’officine doivent créer des relations avec ces prestataires, doivent aller à leur rencontre. Je sais d’ailleurs qu’une partie de mes confrères travaillent efficacement avec certains prestataires. C’est aussi à cette condition que nous pourrons établir ou intégrer des protocoles mis en place entre l’hôpital et la ville. Le patient est au centre de notre offre et nous, les professionnels de santé, devons faire en sorte de lui fournir la meilleure prestation.
6- Les connaissances et les recommandations actuelles ne laissent plus de place à l’improvisation. Pensez-vous que l’avenir de notre profession passe par une spécialisation des officinaux ?
JPB : je vais vous répéter ce que le président de la section A, le président de la section E et moi-même avons dit lors de Pharmagora : oui, nous devons nous spécialiser, mais nous spécialiser intelligemment. Je vais prendre un exemple. Prenez 4 pharmacies dans une ville, chacune faisant un peu de contention, un peu d’aérosolthérapie, et un peu de préparations. Pour bien faire, chacune de ces pharmacies devrait avoir un stock de dispositifs de contention suffisants, un local dédié aux dispositifs médicaux, un stock d’aérosol, un préparatoire aux normes avec une hotte, une traçabilité à toute épreuve, etc., etc. Ne serait-il pas plus intéressant qu’elles se mettent d’accord entre elles pour se partager ces domaines d’activité ? cette mutualisation augmenterait encore plus la qualité du service au patient. Je ne suis pas en train de dire qu’il faut des pharmacies de nature différentes, mais ce qui est sûr aujourd’hui, c’est qu’il est de plus en plus difficile d’être bon en tout. Vous savez, ce que je souhaiterais, c’est que toutes les officines soient capables de tout faire, mais je suis conscient que ce n’est pas possible dans un premier temps et qu’il faut se partager les tâches. Nous devons nous organiser entre confrères, nous y gagnerons.
Interview de David Paitraud, blogger santeblog et auteur santelog
Publié le 9 mai 2008