Ce qui est maintenant « l’affaire de Lille » a pris un tour socio-politique inattendu et parfois indécent. Au cours du débat à l’Assemblée Nationale mardi, on a entendu l’opposition socialiste invectiver Rachida Dati, ministre de la Justice, qui avait dans un premier temps approuvé le jugement annulant le mariage à la demande de l’ex-futur marié ayant appris que sa femme n’était pas vierge.
Ce qu’a voulu dire Rachida Dati, et qu’Elisabeth Badinter avait dit en d’autres termes à David Pujadas quelques jours auparavant sur France2 (mais qui l’a entendue), c’est que le jugement avait peut-être permis à cette femme de retrouver une liberté qu’on pouvait estimer désormais menacée à l’intérieur d’un couple où le mari aurait eu le comportement « machiste » (selon les termes de Fadela Amara elle-même) qui fait tant de mal depuis des années aux filles et aux femmes de cette communauté.
Certains dans l’opposition (médias, hommes politiques) ont parlé d’une « volte-face » de Rachida Dati, qui a demandé au Parquet de Lille de faire appel de la décision du tribunal (1), critiques et invectives qualifiées de « lynchage médiatique » par l’Elysée. L’avocat de l’ex-future épouse a fait remarquer que l’appel, s’il annulait le premier jugement, risquait de faire d’elle une femme « très mariée »… alors que celui-ci avait peut-être contribué à lui éviter…..
… le pire.
Autre saine réaction, celle du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), qui constate d’une part que ce que réclame le « mari » est une négation de l’égalité hommes-femmes, qu’on ne demande pas à l’homme d’apporter la preuve de sa virginité, et qu’en réclamer la preuve à la femme seule est « la mettre en situation d’infériorité, la rabaisser au rang du « deuxième sexe », au motif de son anatomie, de sa physiologie : attacher une valeur juridique à ce reliquat embryonnaire d’anatomie variable, n’est-ce pas la réifier, en faire un objet « certifié de première main », n’est-ce pas là de la discrimination de genre ? ».
« Non, les médecins et en particulier les gynécologues-obstétriciens ne sont pas là pour rédiger des certificats de virginité, qui sont une atteinte manifeste à la dignité de la femme, … pour refaire les hymens, … perpétuer une tradition d’un autre âge. »
Après des propos assez tendancieux (dans un journal télévisé) sur l’aspect lucratif de la réparation de l’hymen, le CNGOF dit :
« Non, la reconstruction de l’hymen n’est pas une chirurgie esthétique « comme une autre », car ici, la jeune femme n’est pas libre, mais soumise à une forte pression sociale et familiale quand ce n’est pas à un mariage contraint ». Un chirurgien a précisé lors d’un débat sur M6 que cette réparation n’est pas seulement demandée par des jeunes femmes d’origine maghrébine.
Blogger: Jean-Marie Manus
Publié le 4 juin 2008
(1) Décision saluée par le mouvement « Ni putes, ni soumises », qui n’avait pas critiqué les premiers propos de Rachida Dati, et qui vient d’annoncer le lancement d’une pétition : « Ni vierges ni soumises » et de prévoir une manifestation ce samedi à Paris.